Mompreneur : l’équilibre entre vie pro et vie perso
L’image de la mompreneur fait rêver. Mais entre image fantasmée et réalité de la maman qui entreprend, la réalité est parfois compliquée.
Devenir mompreneur : parfait équilibre ou rêve fantasmé ?
Avec la pandémie de covid-19, les mompreneurs sont de plus en plus nombreuses grâce à l’explosion du statut d’auto-entrepreneur. Conséquence d’une envie de trouver un équilibre entre vie de famille et le travail, les mères qui entreprennent viennent bousculer les codes du monde salarié.
Mais les mompreneurs ne sont pas seulement des influenceuses familles qui vendent des services ou des produits ayant un lien avec l’enfance, la maternité ou l’aide aux autres entrepreneuses. Ce sont souvent des femmes entre 20 et 35 ans avec des enfants en bas âge qui travaillent de chez elles, derrière leurs ordinateurs.
Dans cet article, nous allons surtout aborder certaines questions liées à ce fameux terme de “mompreneur”. Parce qu’entre stéréotypes de genre renforcés et burnout maternel, la ligne est fine.
Vous allez donc lire :
- la définition et l’origine du mot “mompreneur” ;
- les stéréotypes véhiculés par ce terme ;
- les difficultés des mompreneurs ;
- où sont les dadpreneurs ? ;
- est-ce vraiment une bonne idée de s’appeler mompreneur ? ;
- des portraits de mompreneurs françaises.
Prête à questionner tout ça ?
Une mompreneur : qu’est-ce que c’est ?
Aujourd’hui, en France 40% des entreprises individuelles qui sont créées le sont par des femmes. Ces dernières sont de plus en plus nombreuses à devenir cheffe de leur propre entreprise.
Parmi elles, il y a beaucoup de jeunes mères ou de femmes enceintes qui lancent leur boîte. Le nombre exact de mompreneuses en France est difficile à quantifier alors qu’aux États-Unis on en recense plus de sept millions.
Julie Landour, qui parle de ce chiffre dans son essai Sociologie des mompreneurs pointe aussi du doigt le fait que les mompreneurs américaines sont majoritairement issues des classes supérieures et ont des diplômes universitaires, ce qui vaut aussi pour les mamans entrepreneuses françaises.
Une définition rapide
Le mot mompreneur est né de la contraction du terme américain “mom” (maman) et “entrepreneur”. Sa version britannique devient “mumpreneur” et en français on peut parler de mampreneur, même si l’on évoque plus souvent la maman entrepreneur.
Ce terme désigne les femmes enceintes ou avec des enfants en bas âge qui décident de créer leur propre entreprise, qu’elle soit sous le statut de micro-entreprise ou de société.
Souvent, ces jeunes mères travaillent dans le digital ou dans le secteur du e-commerce. L’équilibre parfait entre vie pro et perso devient leur Graal à atteindre grâce à leur création d’entreprise.
Les origines de l’expression “mompreneur”
Mompreneur est un mot assez récent en France. Originaire des États-Unis dans les années 1990, il prend de l’ampleur dans notre pays bleu-blanc-rouge vers 2009, quand le statut de micro-entrepreneur voit le jour.
C’est véritablement dans les années 2000, et aux USA, que ce mot devient un phénomène à part entière. Les mères actives qui travaillaient de chez elles se le réapproprient pour en faire une tendance marketing à suivre. En découlent des entreprises dédiées, des livres et divers produits consacrés à aider ces fameuses mompreneurs.
Les mompreneurs influenceuses
Lorsque l’on ouvre nos chers réseaux sociaux et que l’on se balade sur les hashtags, on découvre l’ampleur du phénomène.
Rien que le hashtag #mompreneur comptabilise plus de 10 600 800 publications. Sauf qu’entre les photos exposées et la réalité, il y a souvent un gouffre dans le quotidien des mompreneuses.
Certaines influenceuses peuvent alimenter des standards impossibles à atteindre, entretenant par la même occasion la culpabilité des mères qui n’arrivent pas à gérer le miracle morning à 4h30, le petit-déjeuner des enfants à 6h30, l’école, le travail, les réunions, les tâches ménagères, le repas, le bain du soir, et la charge d’être sexy le soir pour leur mari.
En même temps, qui y arrive ?
Bref, certaines mompreneuses sur les réseaux sociaux incarnent la suite de la girlboss : cette femme qui gère de A à Z son entreprise, sans galères ou cheveu qui dépasse.
Les stéréotypes véhiculés
La mompreneur d’aujourd’hui est vue comme une femme dynamique, souvent qualifiée de courageuse (bizarrement, pour le pendant masculin, on n’utilise pas ce terme) et forte.
Elle porte une triple casquette au cours de ses journées qui semblent durer 35h :
- la maman ;
- l’entrepreneuse ;
- la partenaire.
Les clichés de cette mompreneuse sont bien évidemment renforcés par les réseaux sociaux mais aussi par les secteurs dans lesquelles elles évoluent parfois :
- produits pour la famille ;
- produits de maternité ;
- secteur du soin envers l’autre…
Il arrive que les influenceuses deviennent, avec leur famille, le produit en lui-même, entre produits dérivés et partenariats.
Quoi qu’il en soit, le terme de mompreneur est controversé par les mamans qui entreprennent car beaucoup ne s’y reconnaissent pas.
Un des stéréotypes qui subsiste derrière la mompreneur, c’est cette idée de réussite sur tous les points. Elle arrive à gérer de front ses enfants et son entreprise, sans culpabilité ni galère. L’enjeu premier de créer son entreprise reste de trouver l’équilibre parfait entre le perso et le pro.
Pointons du doigt que cette image de la mompreneur parfaite est blanche, hétérosexuelle et aisée. Parce que derrière le lancement de leur activité, il y a souvent leur partenaire qui peut subvenir à leurs besoins, si jamais ça ne prend pas. Ce qui renforce encore cette idée que leur entreprise n’est qu’un hobby, un passe-temps de bonne femme à la maison.
Anne-Laure Baratin le dit très bien dans son article “Arrêtez avec ce terme de “mompreneur” :
Je n’ai pas vu beaucoup de mères solos être mompreneurs, tout simplement parce que la mère célib’ est plus en mode survie du quotidien que conciliation vie pro et perso.
Les difficultés rencontrées
Bon, le portrait dressé n’est pas très joyeux. Mais c’est parce que cette image de mumpreneur idéale peut mener la vie dure.
Essayer à tout prix de suivre ces clichés peut mener à plusieurs problèmes :
- le burnout maternel et professionnel à cause de ce besoin d’en faire toujours plus inculqué par la société (non, ce n’est pas de votre faute) ;
- une surcharge pour essayer de concilier le pro et le perso ;
- une culpabilité écrasante lorsque c’est impossible de trouver l’équilibre fantasmé ;
- une comparaison nocive avec des images sur les réseaux sociaux qui ne montrent pas tout ;
- un blocage et donc l’impossibilité de se lancer ;
- des objectifs à atteindre qui sont tout simplement impossibles à toucher du doigt.
Et la liste est longue, sans parler des difficultés rencontrées avec l’entourage qui ne comprend pas toujours que lancer son entreprise représente une vraie activité.
Cette flexibilité tant attendue qui permet d’aller chercher ses enfants à 16h30 devient une prison dorée où les rendez-vous des marmots chez l’ostéo se font sur ses horaires de boulot.
Et puis cela va aussi de soi que ce sont les femmes entrepreneuses qui restent à la maison s’occuper des enfants lorsqu’ils sont malades.
La mompreneur, et plus largement toutes les cheffes d’entreprises à leur compte, restent chez elles. En plus de s’épanouir dans son rôle de mère parfaite, elle le devient chez elle, au foyer. C’est un des effets négatifs de l’entrepreneuriat féminin : l’isolement au sein de la sphère domestique.
Se dire mompreneur : la fausse bonne idée ?
Si l’expression de mompreneur existe, c’est parce que toutes ces mères qui entreprennent dans le digital représentent la ****première génération à le faire. Avant ça, les modèles maternels qui existaient n’étaient pas du tout les mêmes. Il faut donc créer son propre schéma et trouver un terme qui retranscrit ce challenge qu’est la maternité couplée à l’entrepreneuriat.
Où sont les dadpreneurs ?
Pourtant très peu (voire aucun ?) entrepreneur ne se qualifie de dadpreneur ou de papapreneur. Et c’est là que l’on voit les sous-entendus sexistes que peut comporter l’expression au féminin. Parce que s’il n’y a pas d’équivalent aux deux genres, alors il y anguille sous roche.
Le père qui entreprend ne parle pas de son statut paternel lorsqu’il évoque le travail car pour lui les deux n’ont absolument aucun rapport. Il est entrepreneur dans la sphère publique et père dans la sphère privée.
Les limites pour les mamans avec de jeunes enfants sont bien plus floues et témoignent bien de cette porosité entre les deux et donc de l’impossibilité de trouver un équilibre réel et tangible.
Les dadpreneurs n’entreprennent pas parce qu’ils ont des enfants et qu’ils cherchent l’équilibre pro/perso, mais parce qu’ils ont des projets plein la tête.
Être mère (au foyer) avant tout, le pro après tout
Bien évidemment, chaque personne utilise les mots qu’elle veut. Sauf que certains véhiculent des idées sexistes sans même que l’on ne s’en rende trop compte. Et mumpreneur en fait partie.
Accoler “mom” avant “entrepreneur” sous-entend que la maternité est plus importante que l’entrepreneuriat.
Un peu comme lorsqu’on vous dit que “maman c’est le plus beau métier du monde” : le perso et les enfants seront toujours n°1 dans la vie d’une femme. Quoi qu’on fasse pour en sortir.
Parce que dans notre société, une femme doit avoir des enfants. Elle peut entreprendre, mais il ne faut pas oublier qu’elle est mère avant tout.
Tandis que les hommes ont des activités concrètes et sérieuses, les mompreneuses se voient disqualifiées avec une activité qui n’est qu’un hobby qu’elles réalisent entre les 3 rendez-vous médicaux des enfants, les courses, la préparation des repas et les tâches ménagères.
Comme le dit ironiquement Anne-Laure Baratin dans l’article susmentionné :
Comment le fait que j’ai engendré une progéniture coûteuse et bruyante créait un lien avec un réseau de femmes à leur compte ?
La maternité devient le point commun de nombreuses femmes, renforçant ce stéréotype de genre que l’épanouissement féminin passerait forcément par les enfants. C’est tout à fait possible pour certaines, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.